En Junomichi comme au Judo, nous apprenons à projeter un partenaire / adversaire et à le contrôler. Quelle est donc la spécificité de cette pratique ?

Une des réponses possibles est son enseignement...

En effet, l'approche du Junomichi correspond à une exploration "sensible" du mouvement.

Avant toute chose, il me semble important d'indiquer que l'image du Junomichi telle que je la présente ci-dessous, m'est personnelle et actuelle. En ce sens, elle ne relève pas d'une définition communément admise et elle est vouée à évoluer.

En Junomichi comme au Judo, nous apprenons à projeter un partenaire / adversaire et à le contrôler. Quelle est donc la spécificité de cette pratique ?

Une des réponses possibles est son enseignement.

En effet, l'approche du Junomichi correspond à une exploration "sensible" du mouvement.

Pour projeter un partenaire, il ne s'agit pas seulement de positionner son pied à tel endroit, de tirer la manche en regardant sa montre ou de regarder le mur pour rester droit tout en abaissant le centre de gravité. La voie empruntée par M. CORREA est plus intérieure et fait appel aux sensations que le corps vit durant le mouvement. Les sensations sont perçues par les multiples récepteurs internes qui nous informent sur la vitesse du mouvement, les tensions articulaires, les déséquilibres du corps ou l'étirement musculaire... Pratiquer le Junomichi, c'est s'intéresser à cette éducation sensible du corps.

 

Les pratiquants du Junomichi vont mettre des mots sur leurs sensations pour les transmettre, les partager avec les autres. Cette verbalisation du ressenti se réalise sur le tapis, durant l'étude des projections ou des contrôles. Ces sensations peuvent concerner Tori (celui qui projette), mais aussi Uke (celui qui chute). L'échange des sensations vécues dans ces 2 rôles permet au "couple" de pratiquants de s'auto-corriger pour rechercher le mouvement où en fait, Uke ne ressentira que le vide lié à la chute.

Paradoxalement, c'est la sensation de vide, de relâchement (voire d'absence de sensations) dans l'action qui guident la recherche d'efficacité. Quelquefois, trop de concentration et de conscience nuisent à l'efficacité du mouvement : à vouloir ressentir quelque chose, on perd sa disponibilité. A l'inverse, à vouloir être totalement détendu, relâché, on perd sa vigilance. Il est alors intéressant de rechercher entre ses deux extrêmes ce que M. CORREA appelle l'éveil, la conscience tranquille (certains scientifiques donnent le nom de "flow").

Enseigner le Junomichi, c'est éduquer les pratiquants à percevoir et modifier leurs actions en fonction de ce qu'ils ressentent dans le mouvement. De cette manière, c'est leur apporter une démarche plus qu'un modèle. Il ne s'agit pas de reproduire uniquement ce que l'on a vu par imitation, mais de rechercher par soi-même la meilleure utilisation personnelle de l'énergie. C'est une démarche qui rend autonomes les pratiquants vis à vis de l'enseignant : ils n'ont pas besoin systématiquement d'un "oeil" extérieur qui les examine et les corrige. C'est une démarche qui peut se transférer à d'autres pratiques et qui n'est pas exclusive au Junomichi (et aux pratiques orientales).

Chacun perçoit plus ou moins finement les sensations. L'hypertonicité d'un débutant rendra la perception des sensations problématiques. Il s'agira alors de centrer l'attention sur le relâchement et de libérer les tensions que peuvent suggérer le combat ou la chute. Le rôle de Uke qui "vit" sa chute et le contact à autrui en restant libre et relâché, sera une phase d'apprentissage primordiale.

Un pratiquant ceinture noire sera davantage centré sur ses sensations et pourra guider le débutant dans sa pratique. En même temps qu'il donne des informations au débutant, il peut lui demander d'exprimer ses sensations en tant que Uke. Ainsi, Uke, même débutant, transmet des sensations à Tori qui vont l'aider à s'améliorer. Exemple, Uke signale qu'il sent la main droite de Tori pousser dans son cou au moment de la projection. Tori doit alors corriger son action pour éviter cette manipulation du partenaire.

Le pratiquant expérimenté peut ainsi progresser en travaillant avec un débutant. "L'entraide et la prospérité mutuelle", maxime de KANO, trouve ici sa mise en oeuvre pratique. Cette approche sensible du Judo permet de transmettre des valeurs.

M. CORREA a été plus loin que d'enseigner le Judo par les sensations, il a défini à travers cette approche sensible des principes. Ces principes sont issues des sensations qu'il a affinées tout au long de sa vie de pratiquant. Ils guident l'action tout autant que l'être : contrôle, mobilité, esquive, décision. M. CORREA explique lui-même ces principes dans Junomichi, l'origine du Judo.

Parce qu'il s'agit d'une approche sensible, il est très difficile d'expliquer ce qu'est le Junomichi. Cette forme de pratique du Judo se découvre réellement par la sensation et l'action. Donc fini d'en parler, il faut maintenant que j'aille pratiquer...